Exposition Jean Scherbeck, un regard certain

Jean Scherbeck

Photographe emblématique, Jean Scherbeck était aussi un brillant artiste-peintre. Élève d'Émile Friant et d’Henri Royer, il a conservé de leur apprentissage l’art du portrait. Durant toute sa carrière, Jean Scherbeck a su saisir l’instant et traduire les expressions des visages et leurs émotivités.

Cette retrospective mettait en lumière pour la première fois les différentes facettes de son art. Ouverte le 17 octobre 2020, l'exposition n'a pu être visible seulement quinze jours malgré une prolongation jusqu'au 31 mars 2021. Le centre culturel de l'ancienne abbaye des Prémontrés propose de revenir sur le parcours de cette exposition. 

Jean Scherbeck, l'artiste peintre

Dans la salle du Chauffoir, une galerie de portraits datant des années 1930 à 1980 témoigne de l’évolution du regard de l’artiste sur ses sujets et son approche des portraits. À travers une sélection de plus de soixante-dix œuvres transparaît la virtuosité de Jean Scherbeck à travailler diverses techniques telles que le pastel, le fusain ou l’huile. Cette galerie de personnages atypiques, croqués au fil de ses rencontres, atteste également de son goût des voyages et de son attrait pour les traces du passé. Au fil de sa carrière, il a su traduire avec ses pinceaux une véritable authenticité des regards et des expressions, s’attachant à mettre en beauté les marques du temps sur un visage. C’est vraisemblablement la confiance de ses modèles et son amour du terroir qui lui ont permis cela. Instants de Bretagne, de Lorraine, de Savoie, du Portugal, de Tunisie, du Pays basque, d’Alsace…, ses œuvres découlent de l’opportunité d’une rencontre au gré d’une promenade, ou au sein de son atelier. Vecteurs à la fois du regard bienveillant de l’artiste sur son sujet et de la complicité qu’il arrivait à établir avec la personne, les portraits exposés sont les témoins de l’âme de l’artiste et du sujet. On retrouve notamment l’influence d’Emile Friant et d’Henri Royer dans son art.

 

De ses rencontres avec des personnalités littéraires naîtront différents ouvrages illustrant la beauté d’un terroir comme l’Alsace, la Lorraine ou la Bretagne. Retenons par exemple les deux éditions de Nos Gens (de Lorraine) en 1928 et 1929 avec Fernand Rousselot ; « Unseri Lytt », Nos gens d’Alsace, avec René d’Alsace (René Spaeth) en 1931 ; Gens de Bretagne avec Charles le Goffic en 1929 ou encore Évasion spirituelle : Oflag XVII-A, portraits poignants témoins de ses dix mois de captivité dans ce camp en Autriche de 1940 à 1941. Cette dernière production est le reflet d'une autre facette de l'artiste dont les sources d'inspiration sont aussi liées à son quotidien. Il en résultera, entre autres, un bronze issu de son travail de modelage.


Le saviez-vous ?

La « mâmiche » à la madeleine de Liverdun

Jean Scherbeck adorait Liverdun, lieu de ressourcement dans lequel il avait acheté une très belle maison de campagne.

Egalement lieu d’inspiration pour l’artiste, il y rencontre Marcel Chenel, l’inventeur de la recette secrète des véritables madeleines de Liverdun qui lui demande de lui dessiner une «mâmiche» lorraine.

Cette «mâmiche» liverdunoise croqueuse de madeleine, si expressive dans son acte de gourmandise, est devenue l’emblème des madeleines de Liverdun et figure encore sur tous ses emballages.


Jean Scherbeck, le photographe

De l’autre côté de la galerie Saint-Martin, dans la salle Rosenkrantz, une soixantaine de portraits évoque sa profession, photographe. Ses rencontres avec le Maréchal Lyautey et Maurice Barrès sont décisives dans le lancement de sa carrière. Toujours révélatrice de son amour pour l’art du portrait, cette riche production permet aujourd’hui d’illustrer la période allant de 1922 à 1970. Le résultat de son travail, d’un grand intérêt sociologique et artistique, met en image la société de l’époque tout en s’attachant à révéler son sujet.

En rupture avec les portraits académiques de l’époque, Jean Scherbeck avait un grand souci de l’expression du visage, à l’aide de contraste et de la technique du demi-flou. Il est resté fidèle à la spécificité artistique du noir et blanc, seul vecteur pouvant, selon lui, laisser transparaître le mystère d’un portrait. Photographe d’inconnus comme de personnalités, de cérémonies familiales comme officielles, il travaillera jusqu’à la fin de sa carrière avec son appareil photographique acquis en 1922 et les rideaux de son atelier pour dompter la lumière du jour, refusant les lumières artificielles.

Une reconstitution simplifiée de l'atelier de Jean Scherbeck au sein de l'exposition permettait d'évoquer son univers (voir la vidéo ci-dessous). Voici quelques détails des éléments de scénographie :

Appareil photographique de Jean Scherbeck, 1922

Objectif par Nicolas Perscheid (1864-1930) conçu spécialement pour Jean Scherbeck, lui permettant de travailler le demi-flou. Ce procédé artistique avait aussi pour avantage de réduire les retouches. Le travail de retouche était une activité néanmoins importante dans le travail de Jean Scherbeck. De par l'abondance des demandes, il avait recours à des retoucheuses. En regardant de près certaines photographies, l'on peut remarquer que les pupilles du sujet sont noircies. Le portrait en pied d'Emile Friant ou celui d'Adolphe Fruhinsholz révèlent un travail artistique avec une colorisation au pastel ou des ajouts au crayon.  

Robe de mariée, vers 1940-1945
Robe en une seule pièce, en soie artificielle façonnée écrue. Corsage à épaulettes, boutonné devant, à col montant baleiné à la Médicis et poignets boutonnés garnis en dentelle mécanique écrue couvrant le dos de la main. Demi-traîne accentuée par deux longs pans rectangulaires froncés aux hanches, à nouer sur les reins. Un anneau à l’extrémité de la traîne permet de la passer au poignet pour la relever. Ceinture assortie avec petite boucle rectangulaire recouverte en pareil. Sans griffe.
Collection Le Paon de Soie.

Costume habillé, vers 1920-1930
Costume d’homme composé d’une redingote queue de pie en drap de laine et soie mélangés, et d’un pantalon à bandes de satin de soie noir. Porté avec une chemise à plastron en nid d’abeille, fermée par des boutons de col en nacre, un nœud papillon en satin de soie crème. Un gilet en coton blanc texturé fermé par des boutons de nacre blanche complète cet ensemble. Griffé “N. Joly, Varennes sur Allier”.
Collection Le Paon de Soie.

 

Parmi les personnalités qui ont posées devant son objectif, en voici quelques un.e.s : 

  • Christiane Stutzmann : Née à Pont-à-Mousson, cette cantatrice française a interprété plus de 50 premiers rôles dont Madame Butterfly et Tosca, et s’est produite dans de nombreux opéras en France, en Italie et au Royaume Uni, entre autres. Elle se consacre aujourd’hui à l’enseignement au Conservatoire de Nancy et à la Schola Cantorum de Paris.
  • Emile Friant : Né à Dieuze, ce peintre et graveur renommé est une des figures emblématiques de la Lorraine. Il est présent dans de nombreuses institutions françaises et étrangères. Une grande retrospective lui a été consacrée au musée des Beaux-Arts de Nancy, en 2016-2017. Jean Scherbeck fût son élève.
  • Marie Marvingt : Surnommée "la fiancée du danger", elle excelle dans de nombreuses disciplines sportives, dont certaines à risques. Tout au long de sa vie, elle cumule les exploits et exerce plusieurs métiers dont patineuse de vitesse, infirmière, journaliste, escrimeuse, aviatrice, espérantiste, aérostière, écrivaine, alpiniste, cycliste.
  • France Vernillat : Née à Nancy en 1912, elle obtient le 1er prix de conservatoire à 15 ans. Harpiste et musicologue, elle fut productrice à l'ORTF (1952-1974) de programmes sur le folklore francais et sur la musique du 18ème siècle. Elle est l'autrice de plusieurs ouvrages dont le Dictionnaire de la chanson française, avec Jacques Charpentreau, Larousse, 1968 ; Les instruments à cordres pincées : harpe, luth et guitare, avec Hélène Charnassé, Paris, Presses universitaires de France, 1970.
  • Géo Condé : Artiste éclectique, Géo Condé était marionnettiste, peintre, sculpteur, céramiste et musicien. Né à Frouard en 1891, il étudie à l'École nationale supérieure d'art de Nancy et sera l'élève de Victor Prouvé. Dans les années 30, il travaillera en tant que directeur artistique pour les Faïenceries de Lunéville, Saint-Clément et Badonviller. Tout au long de sa carrière d'artiste, il investit les cimaises de lieux culturels dont celles de l'abbaye des Prémontrés en 2015, avec pour thématique "Le bestiaire enchanté".
  • Henri Bellieni : D'origine italienne, Henri Bellieni (1857-1938) est né à Metz. Artiste photographe, publiciste et animateur, il est plus connu en tant qu'inventeur et "constructeur d'instruments de précision". Parmi les nombreux appareils qu'il a inventés, l'on peut citer la chambre à joue simple 9x12 (vers 1890), l'appareil détective 8x9 (1896), l'appareil de poche 8x10 à obturateur focal (1903) ou encore l'appareil pliant 8x10 (1914). Il participe à de nombreuses grandes expositions internationales. Il compte parmi les fervents défenseurs de la photographie en tant qu'art.

 

Bibliographie :

·         H. CLAUDE, J. LANHER, J.-P. PUTON, Jean Scherbeck, la mémoire des gens, Presses Universitaires de Nancy, Nancy, 1993, 259 p.

·         F. HERBIN, Lorraine 1900 : photographies d'Henri Bellieni, Conservatoire régional de l'image, Edition place Stanislas, Nancy, 2009, 187 p. Un exemplaire en vente à l'accueil de l'abbaye des Prémontrés. 17,50€

·         Livret d'exposition Jean Scherbeck, un regard certain, 2020. En vente à l'accueil de l'abbaye des Prémontrés. 3€


Témoignages

Retour en images sur l'ouverture de l'exposition. Yves-Noël Scherbeck, fils de Jean Scherbeck, Sophie Maurand et Jean-Pierre Puton, petits enfants de Jean Scherbeck reviennent sur la préparation de cette retrospective et évoquent leur attachement pour certains pastels ou photographies. Ils nous livrent, à travers leurs témoignages, quelques souvenirs et anecdotes.


Toute une histoire

L'histoire de la photographie est passionnante. Alors qu'elle trouve ses origines dès la Renaissance, elle commence réellement en France au début du 19e siècle grâce aux inventions de Nicéphore Niépce et Louis Daguerre. Elle connaît dès lors une évolution notoire des procédés techniques. Longtemps réduite à une science appliquée, la photographie donne naissance à divers métiers. Elle sera acceptée bien plus tard en tant que discipline artistique.

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